La petite enfance du Prophète et l’affirmation de sa destinée

Le Prophète de Dieu naquit en l’an 570 pendant l’année dite de l’ « éléphant », car celle-ci fut marquée par l’expédition militaire  dirigée contre le sanctuaire de la Mecque par Abraha le vice-roi éthiopien du Yémen, monté sur son éléphant, missionné par Chosroês, puissant souverain de la dynastie sassanide-perse ; décidé à détourner les Pèlerins de la Mecque au profit du majestueux sanctuaire construit par ses soins à Sana’a au Yémen. Dieu envoya, à cette occasion, un violent et puissant orage qui fit prendre peur aux éléphants et aux chameaux de son armée, ainsi que ses troupes célestes afin de décimer l’ennemi et de soutenir les Mecquois ; ce que rapporte ainsi le Qorân : (CV 1 à 5) : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a traité les hommes de l’Eléphant ? N’a-t-il pas détourné leur stratagème, envoyé contre eux des bandes d’oiseaux qui leur lançaient des pierres d’argile ? Il les a ensuite rendus semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées. »

En plus de ces événements perturbants, des conditions de vie difficiles empêchaient Amina, la mère du Prophète de l’allaiter et elle dut d’abord le confier à Thuwayba une ancienne esclave affranchie d’Abû Lahab, qui s’il fut son protecteur attentif pendant son enfance, devint ensuite, parmi les Quraychites, l’ennemi déterminé de l’Islâm que mentionne le Texte sacré : (Qorân CXI 1 à 5) : « Que les deux mains d’Abû Lahab périssent et que lui-même périsse ! Ses richesses et ce qu’il a acquis ne lui serviront à rien. Il sera exposé à un feu ardent, ainsi que sa femme porteuse de bois, dont le cou est attaché par une corde de fibres. »

Par la suite, le climat étouffant de La Mecque devait porter Amina à confier Mohammed à une nourrice bédouine du désert, appelée : Halima. Les circonstances divines de ce choix furent les suivantes. En effet, Halima suivait un groupe d’une dizaine de femmes bédouines qui s’étaient rendues à La Mecque en quête d’un nourrisson à allaiter, afin d’en tirer quelque revenu. Quand l’Apôtre d’Allâh fut  présenté aux nourrices, celles-ci remarquèrent qu’il était orphelin et indigent et se  détournèrent ; et, en quelque sorte, ne laissèrent pas même d’autre choix à Halima que d’adopter cet enfant pour lequel immédiatement elle se prit d’amour ; ce que son mari agréa. « Dès lors », dit-elle, « que j’adoptais l’enfant, je lui offris le sein. Celui-ci alors, miraculeusement, se gonfla de lait jusqu’à satiété, et profita à son frère de lait également ». Halima raconte : Lors de notre retour, moi et mon mari, de La Mecque à notre campement, nos animaux qui se trouvaient dans un état famélique, furent miraculeusement revigorés et rattrapèrent les autres montures du groupe de femmes qui nous précédaient. Et Halima nous confie alors qu’elle ressentit la jalousie envahir leur cœur quand elles surent qu’il s’agissait du petit fils de Abd al Muttalib ».

A partir de ce jour la maisonnée fut comblée de bienfaits, et l’illustre enfant grandit à l’air pur parmi les bergers du désert. Or, un jour, alors que Mohammed, âgé de quatre ans, gardait les moutons avec son frère et sa sœur de lait, à quelque distance des tentes, deux Anges apparurent soudainement et s’emparèrent de lui. Ils lui fendirent la poitrine, en sortirent le cœur et le débarrassèrent d’un caillot de sang noir[1] ; ils le lavèrent avec de la neige blanche contenue dans une coupe en or ; puis ils le pesèrent – son poids dépassait celui de mille enfants et même de tout son peuple -, ils remirent le cœur à sa place et le marquèrent sur le dos, entre les épaules, du sceau de la prophétie ; disparaissant alors mystérieusement. Ce que le Texte sacré rapporte ainsi : (Qorân XCIV 1 à 3) « N’avons-nous pas ouvert ton cœur ? Ne t’avons-Nous pas débarrassé du fardeau qui pesait sur ton dos ? N’avons-Nous pas exalté ta renommée ? »

Une fois cet épisode accompli, Amina, la mère du Prophète de Dieu, peu après le reprit avec elle à La Mecque, alors qu’il était âgé de six ans. Les juifs et les chrétiens, versés dans les Ecritures, avaient remarqué, dès cette époque, chez cet enfant très jeune, le sceau de la prophétie. Sa mère malheureusement devait mourir peu après en l’an 576 et fut inhumée au lieu dit Al-Abwa, entre Médine et la Mecque. Le Prophète de Dieu se trouvait désormais isolé et privé de toute affection terrestre intime[2]. Mohammed fut alors accueilli, à nouveau, par son grand-père Abd al Muttalib le patriarche, qui peu à près en 578 devait mourir, son oncle Abû Tâlib et nouveau chef du clan des Hachim, prenant en mains la suite de son éducation et ne manquant pas de le faire participer, dès que possible, à l’ensemble de ses activités ; l’initiant ainsi aux transactions commerciales et aux dures épreuves dont sont parsemées les expéditions empruntant le désert. Cet enfant hors du commun, comme le rapporte son oncle, faisant par son comportement la joie de toute la famille.

Ainsi alors qu’il était âgé de 12 ans  et après avoir insisté auprès de son oncle pour qu’il l’emmène avec lui dans une caravane de négoce qu’il avait organisée, entre La Mecque et Damas, eut lieu un événement qui révéla et confirma à son oncle le destin exceptionnel de son neveu. En effet, alors que la caravane s’approchait de l’ermitage du moine Bahira, lieu habituel de repos des caravanes, celui-ci remarqua un nuage dont l’ombre protectrice s’attachait à la personne d’un jeune garçon : Mohammed, et se déplaçait avec lui. Intrigué il l’invita à diner, bien qu’il ait été tenu à l’écart par ses compagnons, en vue de garder les animaux au repos. Le moine entreprit alors de le questionner et constata, en lui soulevant légèrement le col de sa tunique, la présence du « sceau de la prophétie », annoncé dans le Texte sacré : (LXI 6) « Jésus, fils de Marie, dit : Ô fils d’Israël !  Je suis en vérité, le Prophète de Dieu envoyé vers vous pour confirmer ce qui, de la Thora, existait avant moi ; pour vous annoncer la bonne nouvelle d’un Prophète qui viendra après moi et dont le nom sera Ahmad» Il recommanda alors à Abû Tâlib de rentrer à La Mecque afin de veiller sur le petit Mohammed, ce à quoi celui-ci qui avait compris l’ampleur de la situation, lui répondit : « Ô Bahira ! Ce n’est pas toi qui parle mais Allâh. »

Par Michel Abdallah Grimbert

Disciple de la tariqa Qadiriya Boutchichia

1 Il est rapporté que tous les êtres de la descendance d’Adam sont porteurs de ce point noir, obscur ; et que seuls Marie et son fils en ont été préservés.

2 Qorân XCIII 1 à 11 : « Par la clarté du jour ! Par la nuit lorsqu’elle s’étend ! Ton Seigneur ne t’a ni abandonné ni haï ! Oui la vie future est meilleure pour toi que celle-ci. Ton Seigneur t’accordera bientôt ses Dons et tu seras satisfait. Ne t’a-t-il pas trouvé orphelin et Il t’a procuré un refuge. Il t’a trouvé errant  et Il t’a guidé. Il t’a trouvé pauvre et Il t’a enrichi. Quant à l’orphelin, ne le brime pas. Quant au mendiant, ne le repousse pas. Quant aux bienfaits de ton Seigneur, raconte-les. »