Sidi Hamza al-Qâdiri Boudchich naquit en 1922 dans le petit village de Madagh, situé dans la région de Berkane, au nord-est du Maroc.

Il grandit dans un climat de dévotion et de piété au sein du centre spirituel – zawiya – fondé par ses ancêtres. Sidi Abbas (1890-1972), le père de Sidi Hamza, possédait des terres agricoles et emmenait chaque jour son fils dans les champs afin qu’il s’habitue au travail de la terre. Dès l’âge de sept ans, Sidi Hamza commença des études religieuses à la zaouïa de Madagh. A quatorze ans, il terminait d’apprendre le Coran. Il poursuivit à Oujda des études de grammaire, de jurisprudence en droit islamique, d’exégèse du Coran et des traditions prophétiques – hadith –. De retour à Madagh, il approfondit encore ses connaissances livresques pendant quatre années, auprès de deux grands savants de Fès installés à la zawiya. Le vaste savoir de Sidi Hamza lui ouvrait les portes dorées de la magistrature ou de l’enseignement, mais la réussite sociale importait peu au brillant étudiant qui choisit de rester auprès de sa famille. En réalité, et depuis son plus jeune âge, il aspirait à la quintessence de la connaissance intérieure qui, elle,  n’est pas assimilable au travers des livres. Sa soif spirituelle allait être bientôt étanchée par la rencontre de celui qui allait devenir son guide, Sidi Abû Madyan (1873-1955), un lointain cousin vivant humblement dans les montagnes voisines des Beni Snassen.

Au cours de l’année 1942, Sidi Hamza s’engagea, à la suite de son père, à suivre l’enseignement direct de Sidi Abû Madyan. Si Sidi Abbas avait dépassé cinquante ans, son fils, alors jeune marié, avait tout juste vingt ans. Le cas de Sidi Hamza constituait de ce point de vue une exception car, à cette époque, l’un des critères d’admission au sein des grandes confréries sunnites – tariqa – consistait à avoir atteint l’âge de la maturité, en ayant auparavant surmonté un certain nombre d’épreuves préparatoires. Cette spécificité était le signe providentiel qu’un destin très particulier attendait le jeune homme, et laissait en même temps augurer des transformations dans l’enseignement qui allaient s’accomplir, lorsque lui-même deviendrait le guide de la tariqa. Sidi Abû Madyan quitta les montagnes où il vivait et répondit favorablement à l’invitation de Sidi Abbas qui lui proposa de s’installer à Madagh. Les conditions extérieures furent ainsi réunies pour qu’une transmission d’un ordre subtil puisse s’opérer entre le maître et ses deux nouveaux disciples. En effet, Sidi Abû Madyan faisait partie de ces grands saints ayant reçu le dépôt spirituel hérité du Prophète Muhammad, et dont l’enseignement avait pour but de le transmettre à celui qui s’avérait digne de recevoir ce précieux secret.

Sidi Abû Madyan avait une grande affection pour Sidi Hamza et lui confia un jour : “ Cet amour que j’ai pour toi, c’est celui que ressentait le Prophète Jacob pour son fils Joseph ”. Sidi Hamza resta quatorze ans auprès de Sidi Abû Madyan, partageant ses repas et veillant sur sa santé. Il suivait à la lettre toutes les indications de son maître et consacrait des nuits entières à la pratique de l’invocation de Noms divins – dhikr –. Durant ces années, il goûta toutes les étapes de la progression spirituelle, jusqu’aux plus hauts sommets de la réalisation intérieure de l’Unité. Après la mort de Sidi Abû Madyan, Sidi Hamza devint, en même temps que son père, héritier du dépôt spirituel. Fils respectueux et disciple accompli, il n’assumera cependant les fonctions auxquelles il était destiné qu’au moment voulu par Dieu et dans le respect total des indications de son père. Sidi Hamza s’enracina donc dans la voie avec un état de profonde humilité et un esprit de service, jusqu’au moment où il fut autorisé à prendre la direction spirituelle de la tariqa, à la mort de son père, en 1972.

Si le chemin de Sidi Abû Madyan était placé sous le signe de l’épreuve et de la rigueur, celui de Sidi Hamza s’inscrivit autour de la Miséricorde et de la beauté. De même, si l’enseignement de Sidi Abû Madyan était destiné à une poignée de disciples, celui de Sidi Hamza revêtit un caractère plus large et universel. Au cours des années 1980, la modeste zaouïa de Madagh se métamorphosa en un vaste lieu de retraite destiné à accueillir les disciples dont le nombre ne cessait de croître. Sidi Hamza supervisait tous les travaux avec le souci constant que la mise en place du projet immobilier soit en phase avec les besoins nouveaux d’une tariqa qui allait très vite devenir la voie spirituelle la plus dynamique du Maroc, rassemblant des milliers de nouveaux disciples, hommes et femmes, représentant toutes les souches de la société. Les revenus générés par le domaine agricole de la zaouya permirent la construction de nouveaux bâtiments et la préparation de dizaines de milliers de repas servis gracieusement tout au long de l’année à ceux et à celles qui faisaient halte, attirés par la réputation du saint homme.

Depuis les années 1990, l’enseignement de Sidi Hamza s’est étendu au-delà des frontières du Maroc. Sous l’impulsion première des disciples marocains présents sur les sols européen et américain, la voie s’est progressivement répandue et a su notamment attirer des centaines de personnes de confession non musulmane, touchées par un message empreint d’authenticité, d’ouverture, de respect et de fraternité.  Elle revêt désormais une dimension internationale et universelle que l’on peut mesurer chaque année lors de la cérémonie de l’anniversaire du Prophète Muhammad – Mawlid an-Nabawi – qui attire à Madagh plusieurs dizaines de milliers de disciples venus des quatre coins du globe ainsi que les médias, sensibles au rayonnement international de cette rencontre spirituelle.

Au début des années 2000, Sidi Hamza élit domicile à proximité d’Oujda, dans les vastes étendues du plateau d’Angad, et effectua de manière ponctuelle le déplacement à Madagh pour assister aux principales cérémonies. En dépit de son âge canonique, il resta très actif et reçut quotidiennement à son domicile ses disciples venant lui demander conseil ou même échanger un simple regard. Selon ses propres dires, c’est à partir de cette relation de compagnonnage et d’un enracinement dans les pratiques quotidiennes que s’opérait son enseignement, qu’aucun livre ni aucun maître défunt n’était susceptible de distiller.

Au cours de l’année 2016, des complications respiratoires obligèrent Sidi Hamza à rester alité la plupart du temps. En décembre, il fut hospitalisé à Oujda pour des soins intensifs. Restant néanmoins aux commandes de la confrérie, il continua de transmettre des indications à ses disciples, ne changeant rien à la posture qui a été la sienne pendant les 45 années de son magistère. Au matin du 18 janvier 2017, son cœur cessa de battre et il rejoignit ses glorieux prédécesseurs auprès de son Seigneur, après avoir autorisé son fils Sidi Jamâl à lui succéder en tant que dépositaire du secret spirituel.